Dans mon art autant que dans ma prière, je devine que le secret d’une vie pleine réside dans un mouvement qui va du dedans de soi vers l’extérieur et non pas le contraire.
L’aspiration à plus d’harmonie entre ma quête spirituelle et mes engagements, entre mes désirs de toucher le divin et mes manières d’être, je la partage avec tant d’autres qui sont partie prenante de La Clarté-Dieu. Notre route ne ressemble à aucune autre et constamment, il est impérieux pour nous de revoir les balises et de creuser les sillons dans lesquels s’insère au quotidien notre mission.
Depuis 1993, nous avons ensemble exploré des avenues et emprunté des chemins qu’il nous fallait aussi inventer. Nous avons lancé des initiatives, rencontré des acteurs de la vie culturelle, partagé des rêves, entrouvert des fenêtres, suggéré des audaces, accompagné des expériences, encouragé la relève, joué dans la cour des grands, diffusé des œuvres, prié la Parole, accueilli des passants, visité des ateliers, écouté des peines, fêté des réussites, rompu le pain, entretenu la petite flamme de l’espérance, imaginé des lieux de beauté, proposé des haltes spirituelles, déposé des couleurs sur la grisaille du temps, célébré les Heures, semé la lumière, quêté notre pitance, favorisé la mise en réseaux, et sûrement aussi, fait quelques faux pas.
L’art et la foi. La prière et la beauté. Deux rives entre lesquelles nous avons souhaité tendre un pont qui rende possible la communion entre les êtres assoiffés d’un espace de signification au cœur même de la grande marche des humains.
Depuis des années, nous portons à plusieurs cette mission un peu comme on protège précieusement un trésor. Le danger qui nous guette avec le temps, c’est celui de nous arrêter en chemin, de nous contenter de ce que l’on a découvert et d’abandonner la quête qui nous avait pourtant mis en route.
Au cours des années, les gens qui participent à la vie de La Clarté-Dieu m’ont fait part – de façon verbale ou par écrit – de leurs préoccupations, leurs attentes et leurs engagements. Je m’en nourris comme dans un geste de communion. Ce sont autant d’occasions pour moi de tendre l’oreille au moindre indice qui pointerait vers des orientations à prendre pour l’avenir de notre oeuvre. Si je comprends bien, on ne s’attend pas à voir s’activer une équipe de « jeunes » cadres dynamiques et efficaces mais plutôt à voir des signes, d’humbles signes, des porteurs, des témoins d’un amour qui transforme secrètement le monde, au-delà des apparences et des rêves.
« Le monde a besoin de la beauté pour ne pas sombrer dans la désespérance » disait Jean-Paul II. Cet appel est suffisamment fort pour nous remettre en piste et forcer nos pas à l’aventure.
Les moments que nous vivons sont uniques et infiniment précieux. Le Royaume se bâtit petit à petit sous nos yeux et selon le bon vouloir de Dieu, nous pouvons faire une différence chaque fois que nous prenons les pinceaux ou les ciseaux, que nous mêlons nos voix et nos musiques au chant du monde ou que nous partageons quelques pas de danse avec ceux et celles qui espèrent un demain meilleur. Oui, dans un monde où tout peut advenir, où tout est fragile, il nous faut replonger sans cesse dans la confiance et avec la foi du charbonnier, continuer notre route vers l’auberge d’Emmaüs afin que nos cœurs soient à tout jamais brûlés au feu du véritable amour. C’est là que souffle l’Esprit !
Roger Chabot, prêtre et artiste